Plan de découpage – Dossier « Le spectre social féminin : de la tradwife à l’anarcha-féministe »
Introduction générale
Brève contextualisation de la notion de spectre social appliquée au genre féminin. Justification du choix des pôles « tradwife » et « anarcha-féministe ».
Partie I – Origines idéologiques et philosophiques
1.1 – La figure de la tradwife : genèse, fondements culturels et enracinement religieux
Partie III – Profils-types, aspirations et esthétiques
3.1 – L’imaginaire et les revendications tradwife : valeurs, pratiques, mises en scène
3.2 – Les aspirations anarcha-féministes : intersectionnalité, autogestion, critique de la famille
3.3 – Les formes intermédiaires et nuances du spectre
Partie IV – Représentations médiatiques et numériques
4.1 – Visibilité médiatique des tradwives : formats, canaux, réception
4.2 – L’anarcha-féminisme dans les médias alternatifs : fanzines, blogs, podcasts
Partie V – Débats et tensions
5.1 – Critiques croisées : régressions, essentialismes, consumérisme politique
5.2 – Convergences inattendues : critiques du salariat, quête de sens, stratégies de réappropriation
5.3 – Perspectives féministes face au dilemme du « libre choix »
Partie VI – Sources, bibliographie et prolongements
Liste des références sociologiques, historiques, journalistiques et militantes mobilisées. Pistes pour aller plus loin.
Partie I.1 – La figure de la Tradwife : genèse, fondements culturels et enracinement religieux
Définition générale
La tradwife (contraction de "traditional wife") désigne une femme qui revendique un retour assumé aux rôles genrés traditionnels : épouse au foyer, dévouée à son mari, sa maison et ses enfants. Elle valorise la domesticité comme un accomplissement personnel, et affirme souvent que ce choix est libre, volontaire, voire féministe à sa manière.
Origines historiques
Ce modèle s’inspire de l’idéologie conservatrice et patriarcale du début du XXᵉ siècle. Il est notamment popularisé par :
Fascinating Womanhood (Helen Andelin, 1963), un ouvrage qui prône la soumission féminine comme vertu et clef de l’harmonie conjugale.
Des pamphlets et manuels de conduite des années 1920 à 1950 aux États-Unis, liés aux milieux évangéliques.
Contextes idéologiques
Le discours tradwife est souvent adossé à des courants politiques ou religieux conservateurs :
Sympathies avec des mouvements d’extrême-droite ou nationalistes.
Adhésion à des formes de chrétienté traditionaliste.
Usage de slogans détournés comme “Make Traditional Housewives Great Again”, référence à la campagne de Donald Trump.
Arguments invoqués
Les tradwives affirment majoritairement qu’il s’agit :
D’un choix personnel, face à un monde du travail jugé oppressant ou déshumanisant.
D’une volonté de retour à des valeurs “naturelles”, comme la complémentarité des sexes.
D’une critique du féminisme contemporain, perçu comme hostile à la féminité.
Ambiguïtés et tensions internes
Même si certaines tradwives se disent apolitiques ou non militantes, plusieurs ambiguïtés traversent ce mouvement :
La frontière entre choix individuel et discours prescripteur reste floue.
Des codes visuels ou rhétoriques empruntent parfois à l’extrême-droite (hashtags identitaires, esthétisation de la blancheur, etc.).
Une partie du discours consiste à dénigrer les autres formes de féminité, en particulier les femmes actives ou féministes.
Enjeux contemporains
Ce retour aux normes traditionnelles pose plusieurs questions dans le débat public :
Peut-on considérer ce mode de vie comme féministe ?
Quelles sont les influences sociales (fatigue du salariat, nostalgie, quête de stabilité) derrière cette tendance ?
Dans quelle mesure la diffusion par les réseaux sociaux transforme-t-elle une posture intime en phénomène culturel ?
→ Partie suivante : I.2 – L’anarcha-féminisme : racines et positionnement
Partie I.2 – L’anarcha-féminisme : racines et positionnement
Définition générale
L’anarcha-féminisme, ou féminisme libertaire, est un courant politique qui articule la lutte féministe et les principes de l’anarchisme. Il considère que l’émancipation des femmes est indissociable de la destruction de toutes les structures hiérarchiques : État, capitalisme, patriarcat, religion autoritaire.
Origines historiques
Les fondations de ce courant remontent à la fin du XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle :
Les pionnières Emma Goldman (États-Unis) et Voltairine de Cleyre (États-Unis) ont lié anarchisme et émancipation féminine.
En Argentine, La Voz de la Mujer (1896) est l’un des premiers journaux explicitement anarcha-féministes.
En Espagne, le groupe Mujeres Libres (1936–1939) crée des écoles, journaux, et collectifs ouvriers pour les femmes.
Idéologie et principes
Le féminisme libertaire repose sur plusieurs piliers fondamentaux :
Refus des hiérarchies sociales, qu’elles soient étatiques, religieuses ou patriarcales.
Partie II.1 – Diffusion numérique des tradwives et émergence sur les réseaux sociaux
Apparition du phénomène
Le mouvement tradwife se manifeste massivement au XXIᵉ siècle grâce à la montée en puissance des plateformes numériques. Il émerge d'abord dans les pays anglo-saxons :
Début des années 2010 au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Propagation rapide via Instagram, TikTok, Pinterest, YouTube et blogs personnels.
Partie II.2 – L’anarcha-féminisme militant : continuités historiques et espaces d’expression
Une histoire de luttes invisibilisées
Contrairement aux tradwives, l’anarcha-féminisme ne repose pas sur une émergence virale récente, mais sur une tradition militante ancienne et souvent marginalisée :
Présent dès la fin du XIXᵉ siècle dans la presse anarchiste.
Émergence de publications comme La Voz de la Mujer (Argentine, 1896) ou L’Idée libre (Suisse).
Moment fort : l’organisation Mujeres Libres en Espagne (1936–1939), mêlant formation, entraide et activisme.
Essor post-68 et continuité moderne
Dans les années 1960–1970, l’anarcha-féminisme s’affirme davantage :
Aux États-Unis : critique des angles morts du féminisme mainstream (notamment sur la classe et la race).
En France : apparition de radios libres comme Femmes libres (dès 1986), relais de la parole libertaire féminine.
Rencontres internationales comme celle de 1992, affirmant une coordination mondiale de militantes libertaires.
Espaces d’expression contemporains
Le féminisme libertaire privilégie les canaux alternatifs, en cohérence avec son rejet des institutions :
Fanzines, blogs, podcasts et chaînes YouTube engagées.
Squats, lieux autogérés, librairies anarchistes.
Conférences militantes comme La Rivolta! (Boston), publications collectives, journaux artisanaux.
Absence d’influenceurs, rejet de la marchandisation
À la différence des tradwives, les anarcha-féministes ne cherchent pas à séduire les algorithmes :
Pas de mise en scène glamour ni de marketing personnel.
Refus de la logique d'influence commerciale et de la spectacularisation.
Préférence pour la transmission de savoirs, la critique théorique, l’éducation populaire.
Difficulté de visibilité
Ce positionnement radical implique une moindre exposition médiatique :
Rarement invitées sur les plateaux télé ou dans les grands médias.
Assimilées parfois à l’écologie radicale, à l’altermondialisme ou à l’antifascisme.
Représentation médiatique souvent caricaturale ou invisibilisée.
Résilience d’un courant vivant
Malgré sa faible visibilité publique, l’anarcha-féminisme demeure actif :
Présence dans les luttes locales (ZAD, collectifs d’aide, luttes anti-LGBTphobies...).
Prolongement dans des formes d’organisation horizontale, intersectionnelle et non-violente.
Influence souterraine mais réelle dans la pensée féministe radicale contemporaine.
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Partie III.3 – Formes intermédiaires : entre tradition, émancipation et pluralité des positionnements
Un espace entre deux pôles
Entre les figures extrêmes de la tradwife et de l’anarcha-féministe, de nombreuses femmes adoptent des postures hybrides, nuancées ou pragmatiques :
Certaines mères au foyer ne se reconnaissent ni dans le féminisme radical, ni dans les discours tradwives.
D'autres valorisent des éléments de féminité traditionnelle sans y rattacher de discours idéologique.
Certaines femmes musulmanes ou catholiques adoptent des pratiques conservatrices tout en défendant les droits civils et la diversité.
Revendication d’un féminisme modéré ou contextuel
Ces « femmes de l’entre-deux » combinent parfois émancipation et attachement à certaines traditions :
Elles peuvent défendre l’égalité salariale tout en revendiquant une répartition des rôles au sein du couple.
Elles prônent souvent l’auto-détermination plutôt que l’adhésion à un modèle militant rigide.
Elles interrogent la pertinence d’un féminisme unique, face à la diversité des situations vécues.
Le féminisme libéral et ses critiques
Certaines formes intermédiaires se rapprochent du féminisme libéral :
Objectif : intégrer les femmes dans le système (travail, politique, famille) sans le renverser.
Croyance dans le progrès institutionnel, les lois, l’éducation.
Refus des formes trop radicales ou utopiques du féminisme libertaire.
Exemples représentatifs
Des citations et figures incarnent cette pluralité :
Dixie Andelin, fille d’Helen Andelin, déclare : « Merci pour les pantalons, mais on voit les choses d’une autre manière ».
Certaines influenceuses disent « aimer la féminité » sans être anti-féministes.
Des femmes actives professionnellement souhaitent aménager leur temps pour assumer un rôle maternel traditionnel.
Une pluralité difficile à cartographier
Ces positions intermédiaires montrent que :
Le spectre social féminin n’est pas binaire, mais fluide.
La notion de « choix » est centrale, mais doit être analysée en lien avec les contraintes sociales, économiques ou culturelles.
Il existe des alliances et des tensions imprévues entre différents courants de pensée féminine.
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