Cauchemar de Prussien

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Walt
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Message par Walt »

Souad a écrit : jeu. juin 12, 2025 8:27 am Et ton dossier sur l'anarchie douce c'est pour bientôt ?
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Souad
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Bref, il y en a (une) qui bosse·nt.


Management d’entreprise :

De nombreuses entreprises modernes s’inspirent de principes comparables pour gagner en agilité.

On parle de leadership par intention ou de management décentralisé.

Les dirigeants définissent des objectifs globaux et des paramètres de base, puis font confiance à leurs équipes pour déterminer la meilleure manière de les atteindre.

Ce mode de management encourage la responsabilisation et la créativité des employés.

Par exemple, la société 3M pratique depuis 1948 une politique donnant aux employés une part de temps pour des projets personnels, en dehors des directives strictes – une autonomie qui a conduit à des innovations majeures comme l’invention du Post-it®.

De même, des entreprises technologiques adoptent des structures en petits groupes autonomes (par exemple le modèle des “squads” chez Spotify) pour permettre à chaque équipe de trouver des solutions innovantes alignées sur la vision d’ensemble.

Les principes de l’Auftragstaktik – commandement décentralisé, initiative individuelle, flexibilité, communication claire et confiance – se retrouvent ainsi transposés dans la culture d’entreprise pour créer des équipes plus réactives et résilientes.

Un management « par mission » donne aux collaborateurs le sentiment d’appartenance à un but commun tout en libérant leur capacité d’initiative, facteur de motivation et de performance.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Éducation et pédagogie :

Dans le domaine de l’éducation, on observe une évolution vers des approches pédagogiques actives qui rappellent l’esprit de l’Auftragstaktik.

L’enseignant définit les objectifs d’apprentissage et le cadre (compétences à acquérir, problématique à résoudre) mais les élèves sont placés en position d’acteurs de leur propre apprentissage, avec une marge de manœuvre pour explorer et construire les connaissances.

L’idée est de cultiver l’autonomie, la responsabilité et l’initiative des élèves plutôt que de leur dicter toutes les étapes.

Par exemple, dans la pédagogie par projet ou la méthode Montessori, l’enseignant fixe une intention (un projet à réaliser, une question à investiguer) et accompagne l’élève qui choisit lui-même comment y répondre, en expérimentant et en apprenant de ses erreurs.

On apprend ainsi aux jeunes à prendre des décisions éclairées, à s’auto-organiser et à coopérer, des compétences cruciales pour le monde contemporain.

Cette responsabilisation des apprenants – qui deviennent des “partenaires actifs” de leur éducation plutôt que de simples exécutants – s’inspire du même principe que le mission command : donner un cap et des outils, puis faire confiance aux individus pour progresser à leur manière vers l’objectif.

Les bénéfices constatés sont une plus grande motivation intrinsèque, le développement de la pensée critique et une meilleure capacité de résolution de problèmes, analogues aux gains d’initiative et d’adaptabilité recherchés dans l’Auftragstaktik.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Innovation ouverte et créativité :

L’approche missionnaire se prête particulièrement bien aux environnements où l’innovation est clé.

En recherche et développement ou dans les écosystèmes d’innovation ouverte, il est fréquent de poser un défi ou un objectif ambitieux, puis de laisser des équipes autonomes chercher librement les solutions.

Par exemple, lors de hackathons ou de concours d’innovation, une organisation (publique ou privée) définit un problème à résoudre – p.ex. « trouver des usages innovants pour telle technologie » ou « réduire l’empreinte carbone de telle activité » – et met des ressources à disposition des participants, sans imposer de méthodologie.

Ce cadre stimulant permet à des groupes variés de faire preuve de créativité et d’initiative pour atteindre l’objectif dans le temps imparti, souvent avec des résultats inattendus et efficaces.

On retrouve là un parallèle avec l’Auftragstaktik : l’intention (le problème à résoudre) est claire et partagée, mais la tactique (la solution) émerge de l’intelligence collective des acteurs de terrain.

Des programmes comme les concours X Prize ou les appels à projets citoyens fonctionnent sur ce principe : un but précis est fixé (par exemple envoyer un engin privé dans l’espace, dépolluer un océan…), et une multitude d’équipes concurrentes ou collaboratives inventent des chemins multiples vers ce but, en jouissant d’une grande liberté d’action.

Cette diversité d’approches, rendue possible par l’autonomie, est source d’une innovation foisonnante qu’un plan centralisé et unique n’aurait sans doute pas permise.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Mouvements sociaux et organisations collectives :

Les mouvements citoyens horizontaux et réseaux militants adoptent souvent de facto une forme de commandement par mission.

Plutôt que de reposer sur une chaîne hiérarchique stricte, ces mouvements définissent des revendications communes et des principes et laissent les groupes locaux ou les individus entreprendre des actions diverses alignées sur ces objectifs.

Un exemple parlant est le mouvement Extinction Rebellion (XR), actif internationalement (y compris en Belgique) pour la justice climatique.

XR se définit comme un mouvement décentralisé, autonome et apartisan : « quiconque adhère à nos 10 principes & valeurs et à nos trois revendications peut agir en notre nom », annonce leur manifeste.

En pratique, le groupe central fixe l’intention globale – exiger des gouvernements des mesures radicales face à l’urgence écologique – et un cadre éthique (non-violence, valeurs de régénération, etc.), mais chaque collectif local est autonome pour choisir les modalités d’action qui lui semblent appropriées dans son contexte.

Ainsi, des actions de désobéissance civile sont organisées dans des dizaines de villes simultanément, « suivant un mode décentralisé et horizontal : chaque groupe local est autonome et choisit lui-même ses actions ».

Cette structure en essaim, où la “mission” est partagée (faire pression pour le climat) et la mise en œuvre distribuée, rejoint l’idée qu’une « multitude d’acteurs autonomes, guidés par un objectif commun, peuvent agir plus rapidement et efficacement qu’une organisation centralisée ».

On l’a observé dans d’autres mouvements récents : les Indignés ou Occupy (2011) ont opéré sans leader unique, chaque assemblée locale décidant de ses activités dans le cadre d’une cause commune (démocratie réelle, lutte contre les inégalités), ce qui a permis une propagation rapide et une adaptation locale des formes de protestation.

De même, les réseaux en ligne d’entraide ou les projets collaboratifs (comme Wikipédia ou les communautés de logiciels libres) reposent sur quelques principes partagés et un but (diffuser le savoir libre, développer un logiciel), tandis que les volontaires du monde entier s’auto-organisent pour produire des résultats concrets.

Ces exemples illustrent qu’en l’absence de hiérarchie formelle, un groupe peut tout de même converger vers un résultat grâce à une vision commune et à l’autonomie de chacun, c’est-à-dire précisément ce que l’Auftragstaktik propose dans un cadre militaire.
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Souad
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Ponts conceptuels avec la démocratie participative, l’intelligence collective et l’autogestion


Le commandement par mission présente de fortes analogies avec les modèles émergents de démocratie participative et d’organisation horizontale.

Au cœur de ces démarches se trouve en effet la même idée directrice : décentraliser le pouvoir de décision vers les acteurs de base, tout en maintenant une cohésion d’ensemble par une vision ou des objectifs communs.


Dans une démocratie participative ou une organisation en gouvernance partagée, l’autorité traditionnelle s’efface partiellement au profit des contributions des citoyens ou des membres.

Cela rappelle le principe de subsidiarité, en politique comme en management : éviter que le niveau supérieur n’empiète inutilement sur le niveau inférieur, et ne faire intervenir le haut de la hiérarchie qu’en soutien lorsque l’échelon local atteint ses limites.

Appliqué aux institutions démocratiques, ce principe implique de confier aux citoyens eux-mêmes une part du jugement et de la décision, chaque fois que c’est possible, et de réserver aux instances centrales les arbitrages ou les aides que les citoyens ne pourraient fournir directement.

L’Auftragstaktik n’est finalement qu’une mise en œuvre poussée de la subsidiarité dans l’armée : « encourager la responsabilité individuelle » et « permettre à chaque membre de déployer tout ce qu’il peut au service de la collectivité », grâce à une répartition judicieuse des rôles entre niveaux hiérarchiques.

En démocratie participative, on poursuit un objectif similaire : reconnaître la capacité des citoyens à délibérer, concevoir des solutions et prendre des décisions sur les enjeux qui les concernent, plutôt que de tout laisser aux élus ou technocrates.

C’est une forme de confiance accordée au collectif citoyen, qui rejoint la confiance du commandant envers ses subordonnés dans l’Auftragstaktik.


Un autre pont conceptuel réside dans l’importance de l’intention commune et de la compréhension partagée.

Dans un collectif horizontal, il est crucial que chacun comprenne la finalité du projet ou de la démarche – on pourrait parler de “mandat” donné au groupe.

De même que le commandant explicite son intention pour guider l’initiative de ses unités, une assemblée citoyenne ou une organisation autogérée doit définir sa raison d’être et ses objectifs généraux, afin que les contributions de chacun s’orientent dans la même direction.

C’est ce que certains théoriciens appellent le “schwerpunkt” (point focal partagé) et l’“orientation commune” d’un groupe.

Par exemple, un collectif militant peut avoir un manifeste ou une charte de valeurs ; une entreprise libérée aura une vision bien communiquée ; une municipalité participative énoncera des priorités stratégiques.

Ces énoncés jouent le rôle de l’intention du commandement, donnant du sens et cadrant l’action autonome des participants.


Par ailleurs, l’intelligence collective peut être vue comme l’équivalent civil de l’initiative mission-type : on part du principe que le groupe, laissé relativement libre et bien outillé, saura produire de meilleures idées ou décisions que ne le ferait une autorité centrale seule.

L’Auftragstaktik mise sur l’intelligence “de terrain” des officiers subalternes pour s’ajuster aux réalités mouvantes ; la démocratie participative mise sur l’intelligence distribuée des citoyens pour formuler des politiques plus légitimes et créatives.

Dans les deux cas, on a recours à la diversité des points de vue et à la connaissance locale : un maire ne connaîtra jamais aussi finement chaque quartier que ses habitants eux-mêmes – d’où l’intérêt de leur “donner mission” de proposer des améliorations. Un état-major ne peut prévoir chaque micro-événement du front – d’où l’intérêt de déléguer aux unités sur place le soin d’agir au mieux instantanément.


Enfin, l’organisation horizontale et l’Auftragstaktik partagent une vision non-bureaucratique de la coordination.

Au lieu de procédures rigides et de contrôles tatillons, on préfère des règles du jeu souples et l’émulation.

Les mouvements d’autogestion en fournissent une illustration : par choix idéologique, ils suppriment la hiérarchie formelle et inventent des mécanismes pour décider en commun (assemblées générales, consensus, etc.) tout en délégant parfois certaines tâches à des groupes ou personnes de confiance. On obtient alors un alliage de verticalité et d’horizontalité, selon l’expression de certains auteurs : le pouvoir peut être délégué pour l’efficacité, mais il reste contrôlé collectivement.

Par exemple, une coopérative autogérée pourra élire une petite équipe de coordination (une forme de commandement délégué), tout en lui donnant un mandat clair et limité, et en prévoyant de la révoquer si nécessaire – ce qui la distingue d’une hiérarchie classique irréversible. Cette souplesse organisationnelle rejoint l’idée que « tout le monde n’a pas besoin de décider de tout, mais chacun doit pouvoir influencer ce qui le concerne ».

C’est en quelque sorte une Auftragstaktik démocratique : on attribue à certains le rôle de piloter un aspect (comme un “chef de mission”), mais sous le regard et avec le concours de la base.


En résumé, l’Auftragstaktik offre un référentiel conceptuel intéressant pour penser les nouvelles formes de gouvernance participative : un équilibre entre une intention commune forte (vision, mission, mandat) et une exécution distribuée faisant appel à la responsabilité et la créativité de chacun.

Elle préfigure des organisations plus organiques, où la circulation de l’information et la confiance remplacent une partie des contrôles formels.

Pas étonnant dès lors que certains y voient un modèle transposable « à toute organisation compétitive, y compris dans le civil » – dès lors qu’on sait l’adapter aux spécificités du contexte citoyen.





Études de cas : quand les citoyens prennent la mission en main


Plusieurs expériences concrètes de démocratie participative et d’engagement citoyen illustrent l’application (explicite ou implicite) des principes de l’Auftragstaktik dans la sphère civile. En voici quelques-unes, en Belgique, en Europe et au-delà, qui montrent comment une “mission” confiée à des citoyens libres et motivés peut porter ses fruits.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

La Convention Citoyenne pour le Climat (France, 2019-2020) :

Cette expérience démocratique inédite en France est un exemple clair d’objectif fixé par le haut et mis en œuvre par la base.

En 2019, le président Emmanuel Macron, en réponse au mouvement des Gilets Jaunes, a convoqué une assemblée de 150 citoyens tirés au sort, en lui donnant pour mandat : « définir une série de mesures pour réduire d’au moins 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans un esprit de justice sociale ».

Voici une formulation explicite d’une intention de commandement politique – un but ambitieux et des contraintes éthiques – confiée à des citoyens non-spécialistes.

Durant 8 mois, ces citoyens ont travaillé en toute autonomie de jugement (aidés toutefois par des experts et des garants méthodologiques) pour produire des recommandations. Le résultat : 149 propositions très concrètes (lois, mesures réglementaires, référendaires) adoptées quasiment à l’unanimité des participants, couvrant tous les secteurs (transport, énergie, agriculture…).

Le gouvernement s’était engagé à ne filtrer aucune proposition et à les transmettre soit au Parlement, soit au peuple par référendum. Même si, a posteriori, toutes les mesures n’ont pas été retenues in fine, le processus a montré la capacité de citoyens ordinaires, correctement mandatés et informés, à assumer la responsabilité d’une mission d’intérêt général complexe et à faire preuve d’une grande créativité dans les solutions (certaines idées dépassant en audace ce qu’auraient proposé des technocrates).

La clé du succès a résidé dans la liberté de délibération laissée aux participants – « les auteurs de cette convention, ce sont eux », disait le co-président Thierry Pech, soulignant que les organisateurs n’ont fait que fournir informations et méthodologie, sans dicter de contenu.

En somme, l’État a agi comme un “commandant” fixant un cap, puis a joué un rôle de soutien (experts, logistique, plateforme numérique pour les échanges intersessions) pendant que les citoyens, tels des “officiers subalternes”, planifiaient et exécutaient la mission de formuler des politiques climatiques.

Cette expérience a également mis en lumière les conditions de réussite de ce type d’« Auftragstaktik citoyenne » : un mandat clair, des ressources (temps, informations pluralistes) mises à disposition, une neutralité garantie (garants indépendants pour éviter toute reprise en main politique), et un engagement de la part du pouvoir d’écouter sans remettre en cause le travail accompli – bref, une confiance institutionnelle dans les citoyens.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Le modèle Ostbelgien de dialogue citoyen permanent (Belgique, depuis 2019) :

En Communauté germanophone de Belgique (Ostbelgien), une des plus petites entités fédérées du pays, un système unique en son genre a été instauré par décret en 2019 : un Conseil citoyen permanent, tiré au sort, qui a pour mission d’instituer des assemblées de citoyens sur les sujets de leur choix et de suivre les suites données à leurs recommandations.

Ici, le Parlement régional a volontairement délégué une partie de son pouvoir d’agenda et de contrôle à des citoyens. Concrètement, le Conseil citoyen (24 membres renouvelés tournant) décide souverainement des thèmes qui feront l’objet d’une assemblée citoyenne (il peut s’inspirer de suggestions venues du public ou des élus, mais la décision finale lui appartient). Il fixe également les modalités d’organisation de chaque assemblée (taille, durée des travaux…) et supervise leur déroulement.

Ensuite, quand une assemblée rend ses recommandations, le Conseil citoyen veille à ce que le Parlement et le gouvernement y répondent – il y a obligation pour les politiques de débattre des propositions en commission parlementaire conjointe avec les citoyens et de justifier publiquement toute éventuelle non-prise en compte.

Ce dispositif peut être vu comme une transposition démocratique directe de l’Auftragstaktik : le Parlement (niveau supérieur) fixe le cadre général – il a créé l’organe et garantit que ses productions seront examinées – mais ce sont les citoyens eux-mêmes (niveau “subordonné”) qui déterminent les sujets à traiter et formulent les solutions.

Le Conseil citoyen d’Ostbelgien agit en quelque sorte comme un “officier d’état-major citoyen” : il reçoit une mission permanente (améliorer la fabrique des politiques par l’implication directe des citoyens), et jouit de la confiance du Parlement pour piloter cette mission de façon autonome.

En retour, il délègue aux assemblées temporaires (25 à 50 citoyens tirés au sort par assemblée) le soin de travailler en profondeur sur chaque thème et d’en décider les recommandations.

L’exemple d’Ostbelgien montre qu’avec les garde-fous adéquats (ici un secrétariat permanent d’appui, et l’attachement formel du processus à l’institution parlementaire), on peut instituer une participation citoyenne “par mission” au long cours : les citoyens ne sont plus consultés seulement quand le pouvoir leur pose une question, ils ont un mandat ouvert pour soulever eux-mêmes les questions à traiter.

On voit ici une grande marque de confiance dans l’intelligence collective citoyenne : la représentation élue accepte de se faire co-ordonner ses travaux par des personnes tirées au sort. Cette innovation belge, encore jeune, est suivie de près à l’international comme un laboratoire démocratique.

Elle prouve qu’il est possible de responsabiliser des citoyens volontaires en leur donnant de vraies prérogatives, tout en obtenant un fonctionnement constructif (les premières assemblées ont abouti à des recommandations concrètes sur la mobilité, la santé mentale, etc., qui ont été en partie reprises par les autorités).

En ce sens, Ostbelgien accomplit dans la sphère civique ce que l’Auftragstaktik réalise dans l’armée : libérer l’initiative de la base dans un cadre sécurisé pour produire des décisions plus efficaces et mieux acceptées.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

Budgets participatifs et initiatives locales encadrées :

Un autre type de dispositif illustrant l’esprit du commandement par intention est le budget participatif, pratiqué dans de nombreuses villes européennes.

Par exemple, la Ville de Paris consacre chaque année une portion de son budget d’investissement (autour de 5-10%) à des projets proposés et choisis par les citoyens. La mairie définit donc une intention générale – utiliser cette enveloppe pour améliorer la vie locale selon les idées des habitants – et fixe quelques critères et contraintes (périmètre d’action, montant maximum par projet, etc.).

Ensuite, elle laisse les citoyens formuler librement des projets, les élaborer et les voter.

Ce sont in fine les habitants eux-mêmes qui décident quels projets seront financés et réalisés par la municipalité. Ici, on voit clairement l’analogie : l’autorité publique agit comme un commandant fixant un but (ex. embellir les quartiers, renforcer le lien social) et fournissant les ressources (le budget, l’appui technique des services municipaux), tandis que les citoyens, à travers leurs propositions et votes, jouent le rôle des subordonnés autonomes qui conçoivent comment atteindre ce but dans leur rue ou leur quartier.

Ce modèle nécessite, tout comme l’Auftragstaktik, une bonne circulation de l’information (les citoyens doivent connaître le cadre, et l’administration doit bien expliquer les coûts, faisabilités, etc.), ainsi qu’une confiance mutuelle : les élus s’engagent à respecter le choix citoyen (ce qui est généralement le cas, les projets élus sont presque toujours mis en œuvre), et les citoyens font confiance que le processus n’est pas qu’un simulacre.

Le succès international des budgets participatifs (nés à Porto Alegre au Brésil dans les années 1980 et essaimés depuis) montre que lorsqu’on donne aux citoyens une “mission” concrète et les moyens de l’accomplir, ils s’en emparent sérieusement pour améliorer le bien commun.

Nombre de projets issus de ces budgets (parcs, équipements, fresques, innovations écologiques locales…) n’auraient sans doute pas vu le jour via le circuit classique, ou n’auraient pas correspondu aussi finement aux besoins du terrain – ce qui souligne encore l’intérêt de la délégation locale.
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Re: Cauchemar de Prussien

Message par Souad »

En multipliant les exemples, on constate que l’adaptation de l’Auftragstaktik à la citoyenneté active prend des formes variées, depuis les mouvements spontanés jusqu’aux procédures institutionnalisées. Le point commun est la dynamique “top-down et bottom-up” : une orientation générale émise par une instance centrale (que ce soit un gouvernement, un parlement, une mairie, ou même un simple comité d’organisation dans un mouvement), combinée à une remontée d’initiatives et de décisions depuis la base participante. Cette boucle d’allers-retours renforce tant l’efficacité que la légitimité des actions entreprises : efficacité, parce que les solutions sont conçues par ceux qui sont au plus près du problème et avec une liberté d’innover ; légitimité, parce que les citoyens se sentent coproducteurs des décisions, et donc plus enclins à les accepter et les porter.



Conditions de réussite : confiance, engagement, formation, outils…


Transposer l’Auftragstaktik à un contexte de participation volontaire et libre ne va cependant pas sans conditions. Dans l’armée, les soldats sont tenus par la discipline et l’obéissance au devoir, ce qui n’est pas le cas de citoyens engagés sur base volontaire. Il est donc essentiel de créer un environnement propice pour que la “magie” de l’autonomie organisée opère. Voici les principaux ingrédients identifiés pour faire fonctionner une Auftragstaktik citoyenne :
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