Combien tu pèses ?
Publié : dim. juin 08, 2025 3:57 am
La vie humaine est souvent perçue comme inestimable sur le plan moral et éthique, mais dans les faits, elle est de plus en plus quantifiée, monétisée et intégrée dans des logiques de marché.
1. La vie comme valeur marchande
Autrefois, la valeur économique d’un individu était liée à sa force de travail physique. Aujourd’hui, dans une société post-industrielle et numérique, l’humain est devenu un produit en soi, non seulement par son travail, mais aussi par ses données, son attention, son influence sociale et même son ADN.
- Assurances et santé : La valeur de la vie est chiffrée dans les polices d’assurance, les indemnisations judiciaires et même les critères d’accès aux soins. Un patient qui coûte trop cher à soigner peut être rationné, tandis qu’un individu en bonne santé est un client rentable sur le long terme.
- Exploitation du travail : Dans une économie capitaliste, un individu est souvent évalué en termes de productivité et de rendement. Celui qui ne produit pas (personnes âgées, malades, chômeurs) est considéré comme un coût à minimiser.
- Capitalisation des données : L’économie numérique a transformé chaque utilisateur en une mine de données monétisables. Google, Meta, Amazon et d’autres exploitent nos comportements pour les revendre sous forme de ciblage publicitaire. Notre navigation, nos choix de consommation et même nos émotions deviennent des actifs financiers.
2. Dématérialisation et abstraction de la valeur humaine
Là où autrefois l’exploitation de l’humain était physique (esclavage, servage, travail à la chaîne), elle devient aujourd’hui immatérielle et algorithmique. La valeur d’un individu ne repose plus uniquement sur ce qu’il produit de tangible, mais sur ce qu’il consomme, influence et génère comme données.
- La financiarisation de la vie : Des banques et hedge funds utilisent des algorithmes pour prédire la rentabilité des individus (capacité à rembourser un prêt, comportement d’achat, etc.).
- La notation sociale et la surveillance : En Chine, le crédit social attribue une "valeur" comportementale à chaque citoyen. En Occident, ce sont les assurances et les recruteurs qui scannent nos historiques numériques pour attribuer une note implicite.
- Les IA et l’auto-exploitation : Les plateformes comme Uber ou Deliveroo maximisent le rendement des travailleurs en jouant sur l’auto-optimisation forcée. Chacun devient responsable de son propre "capital humain", devant constamment s’adapter aux exigences changeantes d’un algorithme.
3. L’humain doit supporter son propre coût
Ce qui est frappant, c’est que nous sommes poussés à prendre en charge notre propre exploitation :
- On nous vend le développement personnel comme un moyen d’être plus performant et compétitif.
- On doit s’auto-former en continu pour rester employable, car les entreprises n’investissent plus autant dans la formation.
- On nous incite à "investir sur nous-mêmes" (santé, éducation, image, influence sociale) pour maximiser notre valeur marchande.
En parallèle, ce coût individuel est mis à profit par des entreprises qui capitalisent sur notre adaptation. Quand on s’abonne à un coaching de productivité, quand on investit dans un abonnement premium pour éviter la pub ou quand on partage notre quotidien sur les réseaux, on génère de la valeur qui ne nous revient pas.
4. Conclusion : Un marché de l’humain dématérialisé
Nous vivons dans un monde où la valeur économique de l’individu dépasse l’individu lui-même. La donnée, l’influence et l’attention sont devenues plus précieuses que l’humain en tant que tel. Et puisque ces éléments sont dématérialisés, nous devenons interchangeables et remplaçables, soumis aux fluctuations d’un marché du travail et du numérique ultra-compétitif.