Civic Tech et Open Data en Belgique : état des lieux

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Souad
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Civic Tech et Open Data en Belgique : état des lieux

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État des lieux des Civic Tech et de l’Open Data en Belgique

Panorama national : Bruxelles, Wallonie et Flandre

En Belgique, la dynamique civic tech (technologies civiques) et open data varie selon les régions, tout en bénéficiant d’un cadre fédéral commun. À Bruxelles, les autorités ont récemment renforcé les dispositifs de participation citoyenne. En 2024, la Région bruxelloise a lancé Participation.brussels, une plateforme ressource qui propose un répertoire de 148 initiatives participatives bruxelloises  ainsi qu’une boîte à outils pédagogique. .

Parallèlement, le Parlement bruxellois s’est doté de Democratie.brussels, une plateforme participative permettant aux citoyens de déposer des suggestions et pétitions en ligne, alimentant des commissions délibératives mixtes citoyens-députés (democratie.brussels). Cette plateforme s’appuie sur le logiciel libre Decidim (voir section Open Source).

 

En Wallonie, l’accent a été mis sur la démocratie directe et la transparence. Le Parlement wallon a simplifié le droit de pétition électronique, entraînant une explosion du nombre de pétitions citoyennes reçues : plus de 300 pétitions déposées durant la législature en cours (contre 46 lors de la précédente) d’après le greffe du Parlement (rtbf.be). Toute pétition réunissant 1 000 signatures (papier ou en ligne) fait désormais l’objet d’une audition en commission parlementaire. De plus, la Wallonie a adopté un décret Open Data (24 novembre 2022) transposant les règles européennes, afin de généraliser l’ouverture des données publiques (uvcw.be). L’Agence du Numérique (Digital Wallonia) pilote le portail commun Open Data Wallonie-Bruxelles (ODWB) pour la Wallonie et la Fédération Wallonie-Bruxelles (odwb.be). Sur le terrain, plusieurs villes wallonnes (Namur, Liège, etc.) expérimentent des budgets participatifs et des consultations numériques via des plateformes dédiées (voir plus loin).

 

En Flandre, la culture open data et civic tech est également bien ancrée. Dès les années 2010, la Flandre a été pionnière en ouvrant ses données : le Vlaams Open Data Portaal (VODAP) agrège les données des autorités flamandes sur une base (CKAN open source). Les standards d’interopérabilité (DCAT-AP, OSLO) y sont appliqués pour faciliter la réutilisation. Côté participation, de nombreuses communes flamandes font appel à des plateformes numériques pour impliquer les citoyens. Par exemple, la ville de Gand a instauré un Wijkbudget (budget de quartier) permettant aux habitants de proposer et choisir des projets locaux, mobilisant plus de 6 000 participants via son portail participatif municipal. De même, des outils comme le réseau de voisinage Hoplr (start-up anversoise) sont utilisés par des communes flamandes pour renforcer le lien local et la communication citoyenne. À l’échelle régionale, la Flandre a mis en place des citizen science et des panels citoyens ponctuels, tout en soutenant l’innovation civic tech via des programmes Smart Flanders. Enfin, le cadre légal flamand a évolué (décret du 29 mars 2024) pour faciliter l’échange de données administratives et assurer le respect des normes de transparence (etaamb.openjustice.be).

 

Au niveau fédéral, l’État soutient ces dynamiques par des plateformes communes et la législation. Le Service Public de Stratégie et Appui (SPF BOSA) propose MonOpinion, une plateforme fédérale gratuite (basée sur Decidim) mise à disposition de toutes les institutions publiques pour organiser des consultations en ligne (bosa.belgium.be). Par ailleurs, la Chambre des représentants a lancé en 2022 son portail de pétitions électronique (lachambre.monopinion.belgium.be), où tout citoyen belge de 12 ans ou plus peut s’identifier via eID/Itsme et soutenir ou déposer des pétitions en ligne (dekamer.mijnopinie.belgium.be). Sur le front de l’open data, la loi fédérale du 4 mai 2016 (mise à jour en 2023) consacre le principe d’ouverture des données publiques, soutenu par le portail central data.gov.be qui référence plus de 10 000 jeux de données ouverts émanant des niveaux fédéral, régionaux et locaux (data.europa.eu). Ce portail fédéral, véritable « hub » national, illustre la volonté de transparence et de réutilisation des données à l’échelle du pays.

 

Enfin, notons que la Belgique germanophone (Communauté germanophone) innove aussi en matière de participation : elle a institué en 2019 un Bürgerdialog permanent (assemblée citoyenne tirée au sort couplée à son parlement) – une première mondiale – bien que ce dispositif repose surtout sur des délibérations présentielles plus que sur des outils numériques (il dispose néanmoins d’un site web informatif et d’un secrétariat dédié). Cette diversité d’initiatives à travers le pays témoigne d’un écosystème civic tech et open data en plein essor, soutenu par un cadre réglementaire de plus en plus favorable et des collaborations inter-régionales.

Initiatives citoyennes, associatives et indépendantes (Civic Tech « bottom-up »)

Le paysage belge de la civic tech compte de nombreux acteurs citoyens et associatifs qui développent des outils numériques au service de l’engagement civique, de la transparence ou de l’innovation démocratique. En voici un tour d’horizon :
  • Communautés open data et hackathons : L’ASBL Open Knowledge Belgium anime depuis 2012 des Civic Labs dans plusieurs villes (Bruxelles, Gand, Anvers, Liège, etc.), rencontres bi-mensuelles où volontaires, développeurs et citoyens conçoivent des solutions ouvertes pour améliorer la vie locale (directory.civictech.guide). Ces labs, orientés civic hacking, s’appuient fortement sur les données ouvertes et ont donné naissance à divers projets (applications de mobilité, visualisations de données communales, etc.). Open Knowledge BE organise aussi la conférence annuelle Open Belgium et encadre l’initiative Open Summer of Code où des étudiants développent chaque été des projets d’utilité publique en open source.
  • Transparence et data journalisme citoyen : L’ONG anticorruption Anticor Belgium a développé en 2017 la plateforme Transparencia.be pour faciliter les demandes d’accès aux documents administratifs (subsides, marchés publics, budgets…) (directory.civictech.guide). Basée sur le logiciel libre Alaveteli, cette plateforme permet à tout citoyen d’envoyer une demande FOIA aux autorités et de publier les réponses en ligne. Malgré les réticences initiales de certains responsables, les Commissions d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) ont confirmé la légalité des demandes via Transparencia.be, obligeant les administrations à y répondre comme à toute demande officielle (anticor.be). Transparencia est aujourd’hui un outil actif de vigilance citoyenne, intégré aux actions d’Anticor (avec Cumuleo, observatoire des cumuls de mandats). Des collectifs locaux Transparencia se sont formés (à Liège, Charleroi…) pour utiliser ces données et contrôler la gestion publique (anticor.be). En matière de budget, des volontaires belges ont aussi développé des applications de suivi des dépenses publiques (ex. visualisation du budget fédéral, dépenses COVID, etc.), souvent présentées lors des hackathons Transparence (anticor.be).
  • Démocratie directe et collaborative : Plusieurs plateformes indépendantes visent à donner plus de voix aux citoyens en dehors des canaux institutionnels. L’initiative G1000 mérite une mention particulière : lancée par des citoyens et académiques en 2011, elle a organisé une grande assemblée citoyenne délibérative à Bruxelles réunissant 704 personnes tirées au sort, ouvrant la voie à d’autres expériences de démocratie délibérative. Le G1000 s’est depuis structuré en fondation (Foundation for Future Generations) et continue de promouvoir les jurys citoyens et panels délibératifs en Belgique. Par ailleurs, des plateformes en ligne émergent pour la participation « 100% citoyenne » : par ex. Agora (mouvement citoyen bruxellois qui a obtenu un siège au Parlement bruxellois et prône le tirage au sort) utilise des outils en ligne pour consulter ses membres tirés au sort sur les votes parlementaires. On peut aussi citer WeCitizens/Nous Citoyens, association qui avait mis en place un répertoire politique en ligne (profil des candidats, questionnaires aux élus, etc.) pour aider les électeurs à comparer les programmes – une sorte de VoteMatch belge.
  • Crowdfunding civique et réseaux d’entraide : Le financement participatif au service de projets sociétaux s’est développé avec des plateformes comme Growfunding (Bruxelles) et Ulule Belgique. Growfunding, ASBL bruxelloise fondée en 2013, accompagne des projets à impact social ou culturel via le crowdfunding et organise des formations (Growfunding Academy). Active à Bruxelles et en Flandre, la plateforme a financé des dizaines de projets de quartier, d’économie sociale, etc.(growfunding.be). Sur un autre registre, la start-up Hoplr (née en 2014 à Anvers) offre un réseau social de voisinage privé par quartier, utilisé aujourd’hui par plus de 200 communes belges pour diffuser des informations locales, promouvoir l’entraide entre habitants et même recueillir l’avis des riverains sur des petits projets. Bien que commercial, Hoplr se positionne comme un outil civic tech renforçant le lien social local (sans publicité, modèle basé sur les partenariats avec villes).
  • Signalement citoyen et environnement urbain : Les applications de signalement de problèmes dans l’espace public constituent un volet important de la civic tech « ascendante ». En Région bruxelloise, l’outil Fix My Street (adaptation de l’outil open source de mySociety) permet depuis 2013 aux habitants de signaler nids-de-poule, dégradations ou dépôts clandestins sur l’espace public, via une app ou le site web (brussels.be). Les signalements sont transmis aux services communaux concernés et les citoyens peuvent suivre en temps réel la résolution du problème. À ce jour, FixMyStreet.brussels recense des milliers d’incidents traités, améliorant la réactivité des services de propreté et voirie (be.brussels). En Wallonie et en Flandre, plusieurs communes utilisent l’application BetterStreet (développée par une start-up du Brabant wallon) sur le même principe : en quelques clics, un citoyen envoie photo et géolocalisation d’un incident à sa commune (portailbw.be). BetterStreet, téléchargeable sur smartphone, a été adoptée notamment à Nivelles où elle remporte un franc succès (levif.be). Ces outils de crowdsourcing impliquent directement les habitants dans l’entretien de leur cadre de vie.
  • Justice collaborative et legal tech : Ce domaine en est à ses balbutiements en Belgique, mais on observe des initiatives de justice ouverte. La plateforme Justonweb du SPF Justice rassemble plusieurs services en ligne (contestations d’amendes, requêtes en divorce, casier en ligne…), rendant la Justice plus accessiblejustice.belgium.be. Côté citoyens, des projets associatifs émergent pour démystifier la justice et y faire participer le public : par exemple, des hackathons juridiques ont eu lieu pour analyser les arrêts (projet Open Justice via la publication en open data des décisions judiciaires depuis 2023), ou des plateformes comme Justice-en-ligne qui informent les citoyens et débattent des réformes judiciaires. Bien que l’on ne puisse pas encore parler de « justice collaborative » structurée via une civic tech en Belgique, ces efforts vont dans le sens d’une plus grande transparence et participation du public dans le domaine judiciaire.


En somme, la société civile belge est très active dans la création d’outils numériques civiques. Grâce à des logiciels libres, du volontariat et parfois des financements participatifs, ces initiatives citoyennes comblent des besoins d’information, de transparence et de participation là où les institutions sont parfois moins présentes. Elles contribuent à un écosystème varié aux côtés des projets institutionnels.

Projets publics et plateformes institutionnelles

Les pouvoirs publics belges – des administrations communales jusqu’à l’État fédéral – ont déployé de nombreux projets civic tech ces dernières années, qu’il s’agisse de plateformes de participation, de budgets participatifs, ou de portails open data. Cette section passe en revue les principales initiatives institutionnelles, classées par niveau de pouvoir.

Villes et communes : participation locale et budgets participatifs

À l’échelle communale, on assiste à une floraison de plateformes participatives, souvent en collaboration avec des civic tech privées ou via des logiciels open source. Plusieurs grandes villes se sont illustrées :
  • Bruxelles-Ville (Ville de Bruxelles) a lancé dès 2015 l’initiative Brussels Ideas pour recueillir les propositions des citoyens, et plus récemment des budgets participatifs dans le cadre des Contrats de Quartier Durables. Par exemple, le quartier Héliport-Anvers a alloué en 2023 une enveloppe aux projets d’habitants pour améliorer le cadre de vie (participation.brussels). Anderlecht, Schaerbeek et d’autres communes bruxelloises ont suivi avec leurs propres appels à projets citoyens. Ces démarches sont souvent appuyées par des plateformes en ligne (certaines communes bruxelloises utilisent la solution de la start-up locale CitizenLab, ou la plateforme régionale en open source via MonOpinion).
  • Communes wallonnes : La Ville de Namur est pionnière avec un budget participatif annuel depuis 2019 (300 000 € la première année, puis augmenté), permettant aux Namurois de proposer des projets et de voter pour leur réalisation (le-nid.be). Namur s’est dotée d’une plateforme web (initialement propulsée par CitizenLab) pour gérer cet appel à projets. D’autres villes wallonnes emboîtent le pas : Liège a instauré en 2021 un budget participatif de 1 million € via la plateforme Fluicity, Charleroi a consulté ses habitants sur le réaménagement des boulevards (outil Civocracy), etc. Les communes plus petites ne sont pas en reste, souvent mutualisant des outils via la Fédération des Villes (UVCW) ou recourant à des solutions standard. L’UVCW diffuse d’ailleurs de bonnes pratiques et formations en matière de participation locale (webinaires sur « Budget participatif en pratique », « Construire ses projets participatifs », etc. (uvcw.be).
  • Villes flamandes : Gand est fréquemment citée en exemple pour son Wijkbudget (budget de quartier) innovant. La mairie gantoise a réservé 6,25 M€ pour financer des projets co-créés par les habitants dans ses 25 quartiers, avec un processus en deux phases : récolte de près de 943 idées citoyennes puis vote et sélection de 150 projets, accompagnés par des wijkpanels (panels de quartier tirés au sort)(participatie.stad.gent) (vvsg.be). Ce modèle hybride (participation numérique via le participatieplatform de la ville et délibération de citoyens) vise à renforcer la cohésion sociale et la réponse aux besoins locaux (govocal.com). Anvers a de son côté lancé des appel à idées en ligne (via CitizenLab) dans plusieurs domaines (mobilité, propreté) et un budget participatif dans certains districts. D’autres communes flamandes utilisent des plateformes partagées : par exemple, 13 villes du réseau Smart Flanders ont expérimenté en 2018-2019 un outil commun pour sonder les citoyens sur la mobilité urbaine (dans le cadre d’Open & Agile Smart Cities).
  • Signalement et interaction : De nombreuses villes collaborent avec les apps de signalement citées précédemment (FixMyStreet à Bruxelles, BetterStreet en Wallonie). À Bruxelles, en plus de FixMyStreet, la plateforme régionale Irisbox permet aux citoyens de signaler des incivilités et d’effectuer des demandes administratives en ligne (centrale pour les 19 communes). En Flandre, le portail Meldpunt Flanders centralise les signalements relatifs aux voiries régionales et offre un suivi en ligne des plaintes citoyennes.


Régions et Parlements : consultations et innovations démocratiques

Au niveau régional, les gouvernements et parlements ont aussi initié des projets marquants :
  • Bruxelles-Capitale : La création du Service bruxellois de la Participation (au sein de perspective.brussels) a conduit à la plateforme Participation.brussels décrite plus haut, qui joue un rôle de hub régional pour la participation (mutualisation d’outils, centralisation d’initiatives) (rtbf.be). Surtout, Bruxelles innove avec ses commissions délibératives régionales. Depuis 2021, le Parlement bruxellois peut réunir 45 citoyens tirés au sort et 15 députés pour délibérer sur un sujet issu d’une suggestion citoyenne en ligne. La plateforme Democratie.brussels recueille ces suggestions (ou pétitions) et rend compte des travaux des commissions (documents, suivis des recommandations). C’est un exemple unique de combinaison entre participation numérique et démocratie délibérative institutionnalisée. À noter que la Commission Régionale de la Transition (2022) ou celles sur la 5G, le logement, etc., ont été organisées via ce processus, avec l’appui technique de la plateforme Decidim.
  • Wallonie : Le Parlement wallon, outre les pétitions en forte hausse, a lancé en 2019 une expérience de panel citoyen sur le climat (résultat de la “G100 citoyen” organisée par le gouvernement). 50 Wallons tirés au sort ont formulé 168 recommandations climatiques. La Région n’a pas (encore) de plateforme participative unifiée, mais Digital Wallonia a annoncé travailler sur un portail de consultation citoyenne en ligne. En attendant, des consultations se font ponctuellement via des sites dédiés ou des questionnaires (ex: consultation publique en ligne sur le Plan numérique wallon en 2021). La Fédération Wallonie-Bruxelles (Communauté française) a également adopté un décret participation en 2021 visant à faciliter la consultation des parties prenantes (ex: États généraux de la Culture en ligne). Cependant, on est encore au début pour des outils numériques structurés au niveau régional wallon – hormis l’open data (voir plus loin).
  • Flandre : Le gouvernement flamand a mis l’accent sur la transformation numérique globale (programme Vlaanderen Radicaal Digitaal). Dans ce cadre, la participation citoyenne passe par des canaux intégrés à des projets spécifiques (par ex. plateforme Onderwijs Vlaanderen pour consulter enseignants et élèves sur des réformes scolaires, enquêtes en ligne sur Omgevingsbeleid – l’aménagement du territoire). En 2019, la Flandre a expérimenté un budget citoyen régional symbolique : le “Burgerbegroting Vlaanderen” allouant une somme modeste que les citoyens pouvaient répartir entre projets de société via un vote en ligne. Par ailleurs, le Parlement flamand dispose d’une commission de la participation qui examine les pétitions citoyennes adressées au Parlement (en Flandre, le seuil est de 15 000 signatures pour une pétition à traiter formellement). Une innovation notable en Flandre est l’intégration des outils de participation à l’écosystème numérique existant : par exemple, le flux Open Data alimente directement des applications citoyennes (mobilité, environnement) que le public peut commenter ou noter.
  • Communauté germanophone : Comme évoqué, la petite région d’Ostbelgien a instauré une Assemblée citoyenne permanente (Bürgerdialog) liée à son Parlement. Celle-ci s’appuie sur des réunions physiques, mais dispose d’un site web où tout citoyen germanophone peut suggérer un thème de discussion. Les thèmes soutenus par au moins 100 habitants sont transmis à l’Assemblée citoyenne qui peut formuler des recommandations au Parlement. Ce modèle intéresse les autres entités belges, bien qu’il repose davantage sur le tirage au sort et le présentiel que sur des outils numériques poussés.


État fédéral : plateformes communes et open data

Au niveau fédéral, l’approche consiste à fournir des outils mutualisés aux différentes administrations et à garantir l’ouverture des données publiques :
  • MonOpinion (MijnOpinie) : Comme mentionné, le SPF BOSA a développé MonOpinion, une solution centralisée pour les consultations en ligne, proposée gratuitement aux organismes publics fédéraux, régionaux ou locaux. MonOpinion est basée sur Decidim (open source) et offre un hébergement sécurisé, une interface multilingue et un accompagnement aux admins (bosa.belgium.be). Plusieurs institutions l’ont adopté : les Parlements (Chambre, Régions) pour leurs pétitions et consultations, mais aussi des communes (ex : la commune bruxelloise d’Uccle a utilisé uccle.monopinion.belgium.be pour son budget participatif, avec déjà plus de 16 000 utilisateurs enregistrés) (decidim-census.digidemlab.org). MonOpinion permet de déployer rapidement des plateformes participatives sans frais de licence, favorisant l’essaimage d’instances Decidim dans le pays.
  • Plateforme fédérale de pétitions : Depuis fin 2022, la Chambre des représentants reçoit les pétitions citoyennes via son portail en ligne. Le processus est sécurisé par l’identification électronique (eID ou Itsme) – obligation légale pour valider une signature (dekamer.mijnopinie.belgium.be). Tout citoyen de 16 ans ou plus peut soutenir une pétition en quelques clics, les jeunes dès 12 ans pouvant s’enregistrer (mais ils doivent passer par l’eID à cet âge). Une fois le seuil atteint (25 000 signatures pour la Chambre), la pétition fait l’objet d’un débat parlementaire. Cette plateforme a notablement modernisé un droit de pétition auparavant peu utilisé, et plusieurs pétitions en ligne ont déjà dépassé les 10 000 signatures (portant sur des sujets comme la réforme de l’éducation ou la protection animale).
  • E-gouvernement et services en ligne : Au-delà de la participation citoyenne directe, le fédéral propose de nombreux services numériques qui, s’ils ne sont pas de la “civic tech” au sens strict, améliorent l’interaction citoyen-administration. Citons Belgium.be (portail citoyen), tax-on-web pour les impôts, myBelgium (compte citoyen centralisé), ou Justonweb pour la justice. L’automatisation de procédures accroît l’efficacité et la transparence (par ex. Publication des décisions de justice en open data, registre UBO accessible en ligne, etc.). Ces plateformes s’appuient parfois sur des logiciels open source (ex: le code source de Vote électronique est publié) ou sur des partenariats avec les communautés tech (hackathons e-gov). On voit aussi apparaître des tableaux de bord ouverts : le SPF BOSA publie un Digital Dashboard en ligne qui suit les indicateurs de la transition numérique (services en ligne, utilisation de Itsme, etc.) de façon transparente.
  • Open Data et données ouvertes : Le niveau fédéral joue un rôle pivot en agrégant et en stimulant l’open data. Le portail data.gov.be centralise les métadonnées de plus de 10 000 jeux de données provenant des administrations fédérales, régionales, locales ainsi que de certaines entreprises publiquesdata.europa.eu. Ce catalogue unique, alimenté par moissonnage des portails régionaux, couvre 14 thématiques (mobilité, santé, finances publiques, etc.) et est accessible en plusieurs langues. Des applications concrètes en découlent : par exemple, des services tiers exploitent ces données pour informer les citoyens – Plume Air Report, Aircheckr ou BreezoMeter utilisent les données open data sur la qualité de l’air pour fournir des alertes pollution en temps réel. Cela illustre comment l’ouverture des données peut encourager des innovations utiles au public. Le fédéral a également mis en place un cadre juridique pour l’open data (licenses ouvertes par défaut, conditions de réutilisation harmonisées selon la directive UE PSI/Open Data). En pratique, la plupart des données fédérales (Statbel, SPF Mobilité, Meteo, etc.) sont diffusées en formats ouverts (CSV, JSON, API REST) via data.gov.be ou des sites dédiés. Cette politique d’ouverture vise la transparence mais aussi l’efficacité : « En rendant les données librement réutilisables, on favorise une gouvernance plus transparente et efficiente, au bénéfice des citoyens et des entreprises » souligne data.europa.eu.


En résumé, les pouvoirs publics belges, à tous les niveaux, multiplient les projets de civic tech institutionnelle : qu’il s’agisse d’impliquer les citoyens dans les décisions (consultations, budgets participatifs, panels), de fournir des outils numériques pour faciliter leurs démarches, ou de libérer les données pour encourager la participation indirecte (via les développeurs, les chercheurs, etc.). La tendance est à la collaboration entre institutions (partage de plateformes comme MonOpinion) et à l’ouverture (open source, open data) pour mutualiser les efforts et garantir la transparence.

Focus sur les outils et logiciels open source utilisés ou développés en Belgique

Un aspect notable de l’écosystème civic tech belge est l’adoption de solutions open source – qu’elles soient développées localement ou issues de communautés internationales – ce qui correspond à la volonté d’indépendance technologique et de mutualisation des bonnes pratiques.
  • Decidim, la plateforme open source de démocratie participative initialement développée à Barcelone, a trouvé un terrain fertile en Belgique. Grâce à l’initiative MonOpinion du SPF BOSA, plusieurs instances Decidim ont été déployées : la plateforme Democratie.brussels du Parlement bruxellois, le site de pétitions de la Chambre (lachambre.monopinion.belgium.be), ou encore certains sites communaux (Uccle, Forest, etc.) utilisent Decidim pour les budgets participatifs ou consultations. L’utilisation de ce logiciel libre garantit la transparence (code auditable) et la possibilité d’adapter la plateforme aux besoins locaux. Par exemple, democratie.brussels signale fièrement que son site est « réalisé grâce au logiciel libre Decidim » (democratie.brussels). Les contributions belges à Decidim commencent à émerger (traductions FR/NL, modules spécifiques pour l’eID belge, etc.), ce qui place la Belgique parmi les utilisateurs actifs de cet outil communautaire.
  • CKAN est un autre pilier open source largement utilisé en Belgique pour les portails open data. La Flandre a choisi CKAN pour bâtir son portail opendata.vlaanderen.be (VODAP), en y développant des extensions sur mesure (par ex. support du standard DCAT-AP belge, intégration de moissonneurs Géonetwork). Le code des personnalisations flamandes a été publié en ligne sous licence MIT (github.com), témoignant de l’engagement open source. La Bruxelles-Capitale via Paradigm.brussels a également opté pour une solution ouverte pour son Datastore régional, combinant moissonnage et entrepôt local de données. Bien que l’interface bruxelloise repose sur une solution tierce (OpenDataSoft), les principes d’interopérabilité ouverts (API, formats standards) sont respectés et l’outil s’intègre à l’écosystème open source global (par ex. moissonnage DCAT vers data.gov.be) (be.brussels). Côté wallon, la nouvelle version du portail ODWB (2023) utilise également un socle open source combiné à des composants propriétaires pour l’ergonomie, mais l’Agence du Numérique contribue aux standards ouverts (elle co-développe par ex. le vocabulaire DCAT-AP conjoint Région–Fédération(digitalwallonia.be)).
  • Alaveteli, le logiciel libre de gestion des demandes FOI créé par mySociety, est au cœur de Transparencia.be. Ce choix open source a permis à Anticor Belgium de mettre en place rapidement la plateforme en 2016, en bénéficiant de la robustesse d’Alaveteli (utilisé dans de nombreux pays) et de le personnaliser au contexte belge (ajout des liens vers les différentes CADA régionales, traduction française/néerlandaise, etc.) (transparencia.be). Là encore, l’utilisation d’un outil libre renforce la confiance et la légitimité : la CADA de Bruxelles a officiellement reconnu Transparencia comme un canal valide, les demandes issues de la plateforme étant jugées recevables au même titre que d’autres moyens(anticor.be). Ce succès valide le modèle et pourrait inspirer d’autres projets de transparence collaborative (p.ex., publier les dépenses publiques via des plateformes ouvertes).
  • Logiciels cartographiques et data visualisation : La communauté open source géomatique est active en Belgique, avec des contributions à OpenStreetMap (OSM Belgium) qui bénéficie de données ouvertes (adresses, bâtiments) fournies par les autorités. Des collectivités comme Bruxelles utilisent des outils open source (QGIS, PostGIS) pour leurs plateformes internes de données géographiques, tout en publiant nombre de services web (WMS, API GeoJSON) accessibles librement (klimaat.vmm.be). Dans le cadre des civic tech, ces briques sont essentielles : par ex., des applications citoyennes de mobilité (calculateur modal, cartes cyclables) ont été développées lors d’Open Summer of Code en s’appuyant sur ces données ouvertes et logiciels libres. Par ailleurs, des bibliothèques JavaScript libres (Leaflet, D3.js) ont servi à des projets participatifs – on pense à la carte interactive du budget participatif de Liège ou aux visualisations du projet Finances Communales (analyse des budgets communaux par des citoyens).
  • Autres outils open source notables : Citons LiquidFeedback et Adhocracy (logiciels allemands de démocratie directe) qui ont été testés par certains mouvements citoyens en Belgique (par ex. le Parti Pirate belge a utilisé LiquidFeedback en interne). Your Priorities, plateforme open source d’idéation collective née en Islande, a été examinée par des communes intéressées par le vote d’idées avec argumentaires pour/contre (elle n’est pas encore implantée officiellement, mais reste sur le radar, notamment avec l’essor de l’IA civique évoquée par Citizen OS). Enfin, sur l’aspect élections, des développeurs belges ont contribué à des projets libres comme VotingAid (aide au vote neutre) ou des outils de suivi des promesses électorales en open data.


En résumé, l’open source occupe une place de choix dans l’outillage civic tech belge, reflétant un attachement aux valeurs d’ouverture, de transparence et de collaboration. Que ce soit via l’adoption de plateformes libres éprouvées (Decidim, CKAN, Alaveteli) ou via le développement local de code ouvert, les acteurs belges (publics comme citoyens) renforcent ainsi la pérennité et la qualité de leurs initiatives. Cela facilite en outre le partage international : par exemple, la ville de Namur peut bénéficier du retour d’expérience de Barcelone sur Decidim, tandis que la Flandre partage ses modules CKAN avec d’autres régions. Cette approche open source garantit que la technologie civique reste un bien commun, au service du plus grand nombre.

 
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