La Belgique est aujourd’hui un État fédéral, mais elle a longtemps été un État unitaire centralisé. Cette transformation, étalée sur plusieurs décennies, est le résultat de tensions communautaires, de luttes politiques et de compromis successifs. Voici un aperçu chronologique des grandes étapes de cette évolution institutionnelle.
À sa création en 1831, la Belgique est conçue comme un État unitaire, avec une administration et une législation centralisées à Bruxelles. L’unité nationale repose sur une série de principes :
Mais cette conception unitaire entre rapidement en tension avec la diversité culturelle et linguistique du pays1.
Dès la fin du XIXᵉ siècle, des revendications flamandes apparaissent :
La politique belge commence à intégrer des réformes linguistiques sectorielles (lois linguistiques de 1873, 1921, 1932…), mais l’État reste juridiquement unitaire2.
Les tensions explosent dans les années 1960 :
La réforme de 1970 introduit une nouveauté fondamentale :
Il ne s’agit pas encore d’un État fédéral, mais la logique communautaire est institutionnalisée pour la première fois4.
Ce processus se poursuivra par étapes :
1980, 1988–89, 1993, 2001, 2011… Chaque réforme transfère de nouvelles compétences aux communautés (matières culturelles, éducation, santé) et aux régions (économie, aménagement du territoire, emploi).
Le point de bascule est la réforme de 1993 : elle consacre la Belgique comme un État fédéral, à part entière5.
L’histoire institutionnelle belge est celle d’un glissement progressif d’un État centralisé vers un fédéralisme asymétrique, piloté par des réformes successives répondant à des crises communautaires. Ce processus n’est pas achevé : chaque étape ouvre la voie à de nouvelles revendications, dans un équilibre toujours instable.
Serge Govaert, Les démocraties faibles : le cas belge, Presses universitaires de Bruxelles, 2003. ↩
Michel Quévit, Les régions face à la crise, Éditions Labor, 1982. ↩ ↩
CRISP, La crise de Louvain, Courrier Hebdomadaire, n°373, 1968. ↩
Vincent de Coorebyter, « Réformes de l’État et logique communautaire », CRISP, 2000. ↩
CRISP, La Belgique fédérale, Dossier n°2230, 2022. ↩