Marche (en groupe) ou crève

Empowerment : du « moi qui se réalise »… au nous qui change le monde

— Pourquoi et comment passer de l’autonomisation individuelle vantée par le marketing à un véritable pouvoir d’agir collectif, capable de bousculer l’hégémonie capitaliste ?


1. D’où vient l’idée ?

Le mot empowerment naît dans les années 1960‑70 au cœur des luttes féministes, afro‑américaines et communautaires : il s’agit alors de combiner conscience critique personnelle et action solidaire pour transformer la société . Mais, très vite, deux visions s’opposent :

Vision Objectif Risque
Émancipatrice Développer un « pouvoir de » et un « pouvoir avec », pour changer les rapports sociaux Répression, cooptation
Néolibérale Faire de chacun un « entrepreneur de soi‑même » performant Aliénation, culpabilité individuelle (Ehrenberg)

Michel Foucault décrivait déjà cette injonction à l’autonomie comme un nouvel instrument de pouvoir : on s’auto‑discipline pour rester rentable .


2. Comment le système récupère notre soif d’autonomie

  1. Coaching managérial : « Sois autonome… mais réalise les objectifs de l’entreprise ». L’individu intègre la pression sans la contester .
  2. Marché du développement personnel : le bonheur devient un produit ; les problèmes sociaux sont psychologisés .
  3. Start‑up « à impact » : bonne intention, mais financement et concurrence ramènent vite au business as usual .

Résultat : un « moi empoweré »… fonctionnel au capitalisme, pas subversif.


3. Le pouvoir collectif : la clef pour sortir du piège

  • Gramsci : sans contre‑hégémonie culturelle, l’individu reste enfermé dans la fausse conscience méritocratique .
  • Hardt & Negri : la Multitude connectée peut bâtir un contre‑Empire global .
  • Judith Butler : rassembler des corps vulnérables crée un pouvoir performatif ; « il n’y a pas de je sans nous » .
  • Hartmut Rosa : réinventer un rapport au temps et au monde (résonance) pour échapper à l’accélération capitaliste .

4. Quatre études de cas inspirantes

# Où ? Pouvoir
ZAD de NDDL (France) Apprendre à construire, cultiver, se défendre Zone libérée qui a bloqué un projet d’aéroport
Communautés zapatistes (Chiapas, Mexique) Dignité retrouvée, éducation autogérée Municipalités autonomes depuis 1994
Plateformes coopératives (CoopCycle, Smart) Maîtrise de ses données, de son revenu Gouvernance démocratique, entraide juridique
Mouvements féministes #MeToo / Ni Una Menos Prise de parole, fin de la honte Mobilisations transnationales & réformes légales

Tous montrent qu’aucun empowerment durable n’existe sans structure collective.


5. Vers un empowerment réellement subversif

  1. Repolitiser l’autonomie : remettre les causes systémiques (classe, genre, race, climat) au centre.
  2. Créer des espaces encapacitants : syndicats, coopératives, assemblées citoyennes, communs numériques.
  3. Préserver l’autonomie face aux financeurs : éviter la dépendance qui neutralise la critique.
  4. Tisser des coalitions : écoféminisme, justice climatique & sociale, droits des travailleurs de plateforme – un internationalisme renouvelé .

6. Conclusion : du « je » insurgé au « nous » transformateur

Un pouvoir d’agir vraiment émancipateur naît quand nos autonomies personnelles se mettent en commun. L’enjeu n’est pas de devenir de meilleurs soldats du marché, mais de réécrire les règles du jeu : partager la valeur, décider ensemble, ralentir pour vivre mieux et juste.


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