La particratie désigne un mode de fonctionnement politique dans lequel les partis politiques, et plus particulièrement leurs dirigeants, détiennent la majorité du pouvoir de décision, au détriment des institutions parlementaires ou du suffrage direct. En Belgique, ce phénomène est lié à l’histoire du suffrage proportionnel, à la pilarisation et à la culture du compromis1.
Le terme « particratie » désigne un gouvernement par les partis, où ceux-ci déterminent les grandes orientations politiques et législatives, souvent en dehors du cadre parlementaire classique.
Ce phénomène s’est renforcé en Belgique au XXᵉ siècle, notamment à partir de l’entre-deux-guerres, avec la structuration du Parlement en blocs partisans très disciplinés, remplaçant les notables plus autonomes du XIXᵉ siècle2.
En Belgique, le président d’un parti joue un rôle déterminant à plusieurs niveaux3 :
Dans la pratique, un président de grand parti dispose de plus de pouvoir qu’un ministre ou même qu’un Premier ministre, dont l'autorité dépend du bon vouloir des présidents de coalition.
Fonction institutionnelle | Réalité dans une particratie |
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Élections | Déterminent la force de chaque parti, mais non la formation du gouvernement. |
Formation du gouvernement | Se joue entre présidents, dans un cadre informel ou en conclave. |
Parlement | Valide les décisions prises en dehors de l’hémicycle ; peu d’initiatives individuelles. |
Ministres | Nomination décidée par les partis, souvent sans intervention du Premier ministre. |
Coalition | Fruit d’un compromis entre appareils partisans ; très peu transparent. |
La particratie est à la fois un mode de gouvernance pragmatique, né de la complexité belge, et une source de tension démocratique. Si elle permet de construire des majorités stables, elle éloigne la décision du citoyen et concentre le pouvoir dans des cercles opaques. Les critiques se multiplient, sans qu’un modèle alternatif ne s’impose encore clairement.
La particratie est régulièrement critiquée pour les dérives qu’elle induit, notamment du point de vue de la démocratie représentative et de la responsabilité politique.
La particratie belge est à la fois un produit historique et une réponse pragmatique à la fragmentation du paysage politique. Mais elle soulève des questions démocratiques fondamentales : concentration du pouvoir, effacement du Parlement, mise à distance du citoyen.
Des pistes existent pour rééquilibrer le système : renforcer le rôle des élus, ouvrir davantage les partis à leurs bases, et intégrer les citoyens dans la délibération politique par des mécanismes innovants.
Le débat reste ouvert, entre réforme en profondeur et ajustements symboliques.6
CRISP, « Le système politique belge », Dossier 2301, 2022. ↩
Arend Lijphart, Patterns of Democracy: Government Forms and Performance in Thirty-Six Countries, Yale University Press, 2012. ↩
Dave Sinardet, « La particratie belge : mythe ou réalité ? », Revue Internationale de Politique Comparée, vol. 18, n°2, 2011. ↩
Vincent de Coorebyter, « Les partis politiques : une domination qui s’exerce à tous les niveaux », Courrier Hebdomadaire du CRISP, n°2044, 2009. ↩
Manuel Casteleyn, De particratie in België: feiten en percepties, Éditions Academia, 2018. ↩
Serge Govaert, Les démocraties faibles : le cas belge, Presses universitaires de Bruxelles, 2003. ↩